Mécanique : comment font les aéronefs pour tenir en l’air ?
Un avion qui file au-dessus des nuages plus vite que le son, un hélico qui semble se visser dans l’air, un planeur qui parcourt des kilomètres en se laissant glisser… C’est de la magie ? Pas exactement. C’est une histoire de forces et de réaction à ces forces, de gaz comprimés et brûlés, de mécanique et d’aérodynamique. En somme, une histoire de phénomènes très naturels que les technologies modernes ont su ingénieusement exploiter. On vous la raconte en six questions.
Comment fonctionne un moteur à réaction ?
Imaginez que vous gonflez un ballon de baudruche. Au lieu de le nouer, vous le lâchez. L’air se trouvant à l’intérieur va sortir du ballon et, par réaction, celui-ci va brusquement être propulsé dans la direction opposée. Un moteur à réaction fonctionne sur le même principe : la troisième loi du mouvement énoncée par Isaac Newton, qui dit que si un corps A exerce une force sur un corps B, alors B exerce sur A, en réaction, une force d'égale intensité, de même direction et de sens opposé.
Evidemment, on ne gonfle pas un avion et son moteur utilise ce principe de façon un peu plus complexe. Mais il s’agit tout de même de faire entrer l’air dans le tube d’un réacteur et de faire en sorte qu’il soit expulsé vers l’arrière à une grande vitesse, pour faire avancer l’avion par la force de poussée qui survient en réaction de cette expulsion de gaz.
Pour cela, un système à l’avant du moteur aspire l’air et le comprime, puis l’envoie derrière lui dans la chambre de combustion. Il est alors mélangé à du kérosène et enflammé. Les gaz formés par la combustion se dilatent et sont expulsés à l’arrière de la chambre. C’est donc ce mouvement vers l’arrière de l’air qui propulse l’avion dans le sens opposé.
Dans le même temps, les gaz expulsés passent à travers une turbine montée sur un arbre qui le relie au compresseur. Les gaz font tourner l’arbre qui à son tour permet l’entraînement du compresseur et l’aspiration de l’air à l’avant.
Comment un avion se maintient-il dans les airs ?
Avez-vous remarqué le profil particulier d’une aile d’avion ? Il est étudié pour faire jouer deux forces qui permettent à l’avion de se maintenir dans les airs.
La première aspire littéralement l’avion vers le haut, du fait que les ailes sont bombées sur le dessus et plates en dessous. Ainsi, lorsqu’une aile avance, l’air passe en dessous normalement. Par contre, l’air qui passe au-dessus a une plus grande distance à parcourir du fait qu’il doive monter puis redescendre le long de cette courbe. Mais cet air ne peut pas prendre plus de temps que celui qui passe sous l’aile pour parcourir cette distance car cela créerait de l’espace vide, ce qui est physiquement impossible. L’air doit donc passer plus vite sur le dessus de l’aile, ce qui diminue sa pression. La dépression ainsi créée au-dessus de l’aile a donc tendance à tirer l’avion vers le haut.
Le deuxième phénomène est obtenu par le fait que les ailes ne sont pas parfaitement horizontales, mais légèrement pointées vers le haut. Cette inclinaison leur permet de pousser l’air vers le bas et, en réaction, d’être poussées vers le haut.
C’est ce double phénomène d’aspiration et de poussée qui permet aux avions, même les plus lourds, de se maintenir en l’air.
Mais bien sûr, plus l’avion est lourd, plus sa vitesse devra être élevée pour assurer une portance suffisante.
Quels sont les principaux types de moteurs d’avions ?
Historiquement, les premiers aéronefs fonctionnaient avec des moteurs à pistons assez proches de ceux de nos voitures… sauf que le but n’était pas de faire tourner des roues, mais des hélices. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, cette technologie a été abandonnée pour des moteurs plus puissants, fonctionnant sur le principe de la réaction.
Ils se divisent en deux grandes familles : les turbopropulseurs équipant les avions dits « à hélices » et les turboréacteurs des avions dits « à réaction ». Qu’est-ce qui les différencie ?
Le turboréacteur est un système de propulsion qui transforme l'énergie potentielle du carburant, mélangé à l'air ambiant, en une énergie cinétique qui génère une force de réaction dans le sens opposé à l'expulsion de l’air ainsi chauffé, comme on l’a vu précédemment. Ce type de moteur est essentiellement utilisé sur les avions commerciaux ou militaires. Une partie de l'énergie produite est récupérée par une turbine à gaz à la sortie de la chambre de combustion pour entraîner le compresseur. Le turboréacteur produit le maximum de poussée en éjectant un maximum de gaz à la vitesse la plus élevée possible.
Un turbopropulseur est un système de propulsion qui fonctionne sur un principe similaire. Mais l'énergie de ce type de moteur est fournie par une turbine à gaz, dont la poussée est obtenue par la rotation d'une hélice. Le turbopropulseur obtient le maximum d'énergie possible pour faire tourner l'arbre de l’hélice, les gaz d'échappement ayant une température relativement faible et une vitesse d'éjection très réduite. La majeure partie de la poussée est produite par l'hélice, avec un bien meilleur rendement qu'un turboréacteur, mais avec l'inconvénient de ne pas pouvoir approcher les vitesses supersoniques, du fait du risque de dépasser la vitesse limite pour les pales d’hélice.
Quels carburants pour aujourd’hui… ou pour demain ?
Aujourd’hui, pour la combustion des gaz, les avions utilisent du kérosène : il s’agit d’un dérivé du pétrole, c’est-à-dire une énergie fossile non renouvelable et très émettrice de gaz à effet de serre. C’est pourquoi les fabricants étudient aujourd’hui, comme pour les voitures, d’autres voies possibles permettant de réduire les impacts écologiques de l’aviation.
On parle aujourd’hui beaucoup de l’avion à hydrogène. Technologiquement, il fonctionne selon le même principe de la propulsion à réaction qu’un moteur à turbine classique. Mais il utilise de l’hydrogène comme combustible. Ce qui le rend potentiellement plus respectueux de l’environnement, car sa combustion ne produit que de l’eau, donc ni polluant atmosphérique, ni émission de CO2. Il faut cependant noter que l’hydrogène utilisé aujourd’hui est massivement fabriqué en utilisant des énergies fossiles : il est émetteur de gaz à effet de serre en amont et non en aval de sa combustion. Tout repose donc sur le développement futur des technologies permettant de produire de l’hydrogène « propre », par électrolyse de l’eau.
Cette technologie des moteurs d’avion à hydrogène présente encore d’autres défis. L’hydrogène étant moins dense que les carburants traditionnels, il nécessite des réservoirs plus volumineux pour stocker une quantité équivalente d’énergie. Cela peut augmenter le poids total de l’avion et réduire ainsi son efficacité énergétique et son autonomie.
Néanmoins, l’industrie de l’aviation explore activement de nouvelles technologies et des solutions innovantes pour rendre les moteurs à hydrogène plus performants et viables à grande échelle. Avec les progrès de la recherche, les moteurs d’avion à hydrogène pourraient jouer un rôle crucial dans la transition vers une aviation plus durable et respectueuse de l’environnement dans le futur.
Et pourquoi pas des moteurs électriques, qui semblent dessiner le futur et même déjà le présent de la voiture ? Les ingénieurs y travaillent bien sûr aussi, mais avec des problématiques similaires à celles de l’hydrogène : il s’agit de parvenir à réduire le poids des batteries à embarquer pour faire tourner les réacteurs, sans compter d’autres pièces du moteur, telles que le réducteur ou l’onduleur. Néanmoins, des prototypes de petits avions électriques ont déjà fait leur apparition, comme nous l’avons évoqué dans cet article sur les innovations de l’avion.
Et un hélicoptère, comment ça vole ?
Un hélicoptère a les mêmes besoins pour se déplacer qu’un avion : la portance qui le tient en l’air, et le mouvement qui le fait avancer. Mais il y répond par d’autres solutions. Ici, ce sont les pales du rotor qui jouent le rôle des ailes de l’avion.
Elles sont configurées comme une hélice, qui tourne grâce à un moteur. La forme de chaque pale permet à l’hélicoptère, en quelque sorte, de se « visser » dans l’air à la manière d’une vis qu’on enfonce dans le bois en la faisant tourner, sur le même principe que l’aile de l’avion.
Intuitivement, on pourrait croire que c’est la vitesse de rotation qui permet à l’hélicoptère de monter, descendre ou de faire du surplace, mais ce n’est pas le cas. Le sens du mouvement est guidé par l’inclinaison des pales. Le pilote le maîtrise grâce à une commande appelée « collectif ».
Il dispose également d’une deuxième commande : le « cyclique », en forme de manche à balai. Celle-ci permet une inclinaison asymétrique des différentes pales du rotor principal. Il va permettre à l’hélicoptère de se diriger vers la gauche ou vers la droite.
Enfin, une troisième commande au pied, le palonnier, relie le pilote à un deuxième rotor plus petit situé généralement sur la queue de l’appareil. Ce rotor arrière également appelé rotor anti-couple a pour fonction de permettre à l’hélicoptère de tourner sur lui-même.
Grâce à ce système complexe, l’hélicoptère bénéficie d’une grande maniabilité qui lui permet, contrairement à l’avion, de se déplacer selon un axe vertical. L’avion ayant cependant l’avantage d’une bien plus grande vitesse de déplacement.
Mais alors, et les planeurs ?
Si les aéronefs ont besoin de moteurs pour assurer leur portance et leur poussée, comment font donc les planeurs ? On pourrait le résumer en disant qu’ils prennent de l’élan au départ, puis utilisent les vents et courants d’air ascendants pour se maintenir en altitude et avancer. Détaillons.
Le planeur a besoin d’un système qui l’envoie dans les airs et lui donne le premier élan. Ce système peut être de deux catégories. Il peut se faire tracter par un aéroplane à moteur – avion ou ULM – grâce à un câble d’environ 60 mètres de long, qu’il décroche lorsqu’il parvient à l’altitude souhaitée. Ou bien il utilise un treuil auquel l’avion est relié par un câble de plus de 1000 mètres de long : le câble va être enroulé à grande vitesse, tirant ainsi le planeur et le faisant décoller, un peu comme un cerf-volant.
Une fois lancé, le planeur va jouer avec les déplacements de l’air, qui peuvent être de trois catégories. Les ascendances thermiques sont les déplacements d’air verticaux, qui se produisent lorsque le soleil réchauffe le sol, qui à son tour chauffe l’air à son contact : cette « bulle » d’air chaud va monter et le planeur l’utilisera pour monter avec elle en décrivant une spirale ; il peut monter jusqu’à des altitudes de 2500 mètres en plaine et encore davantage en montagne, puis utilisera son élan pour planer – en perdant forcément de l’altitude –jusqu’au prochain courant ascendant, qui peut être éloigné de plusieurs kilomètres ; il pourra alors regagner de l’altitude par ce nouvel « ascenseur ». Et ainsi de suite.
L’autre phénomène utilisé par le planeur est l’ascendance dynamique, qui se produit quand le vent rencontre une colline et monte en suivant l’inclinaison de cet obstacle. Le planeur va, là aussi, profiter de cette ascendance pour s’élever en décrivant des huit le long de cette pente.
Enfin, la combinaison de ces deux phénomènes par vent fort dans un environnement de collines va former des ressauts ondulatoires, comme une succession de vagues sur lesquelles l’avion va surfer. Il pourra atteindre dans ce contexte des altitudes beaucoup plus élevées, en théorie jusqu’à 10 000 mètres.
Pour finir, lorsque le pilote souhaite atterrir, il actionne les aérofreins situés sur le dessus des ailes. Il va alors dégrader son vol plané de façon maîtrisée, pour se poser avec une grande précision.
Vous savez maintenant tout des grands principes qui permettent à votre appareil de s’élever dans les airs et de s’y maintenir. Le plus incroyable, c’est que même lorsqu’on connaît tout ça, voir un avion ou un hélico s’envoler dans les airs, ça reste un peu magique, non ?